Extrait 4 - Avant l'aube - Tome 2 - L'appel de la bête
X
Commune de Mazières sur Béronne, France.
10 Avril 1898.
... Le regard de
Clémence m’hypnotisait. J’avais déjà oublié la fin de ma phrase. Les
mots que je destinais à mon interlocutrice venaient d’être engloutis
par l'émotion. Ces grands yeux verts qui happaient mon attention... Ce
visage...
— Jean ? Jean, tu m’entends ?
— Oui ? Que dis-tu, Clémence ?
— Je ne disais rien.
Je ne faisais que t’écouter. Tu n’as pas fini ta phrase... Je brûle
d’envie d’entendre le discours captivant que je pressens.
— Tu... Je... Oui...
La mère de Clémence
nous observait, comme si elle aussi avait pressenti la forme et le
contenu de mon discours enflammé.
Je m’assis dans l’herbe que la rosée nimbait encore d’humidité.
— Je ne sais plus ce que je voulais dire, Clémence.
— Une autre fois, alors...
Je regardai Clémence
dont les yeux ne me quittaient pas. Une mèche de ses cheveux cheminait
avec une négligence exquise sur son front. Ses traits fins et sa peau
blanche évoquaient encore cette statue ciselée avec délicatesse et
précision dont j’étais tombé amoureux. Je m’amusai de son nez long,
mince et vertical, de ses yeux inclinés qui savaient si bien émouvoir,
de son front lisse et pâle, de sa bouche fine et harmonieuse. Je suivis
avec application les courbes de ses lèvres sur lesquelles expirèrent
quelques mots que je n’entendis pas avant qu’elles ne s’étirassent en
un sourire complaisant.
Je me persuadai, à ce moment précis, qu’elle m’aimait elle aussi...