Le docteur Josset soupire longuement avant de poursuivre.

         - …jusqu'au jour, disais-je, où je les ai vus pour la première fois. C'était un soir, en fait ;  un vendredi soir. On était en novembre. Je ne me rappelle pas l'heure exacte –sans doute entre 22h et 22h30. Dehors, il faisait froid, quelques bûches flambaient dans la cheminée et je m'apprêtais à passer une bonne petite soirée devant ma bibliothèque. Je recherchais le compagnon idéal parmi les livres que j'avais déposés sur l'étagère dédiée aux romans nouveaux qui attendent sagement d'être ouverts quand tout à coup je sentis une présence derrière moi. Ma femme étant juste couchée, l'idée qu'elle ait pu se lever pour soulager un besoin pressant ou parce qu'elle avait oublié de me dire quelque chose m'a traversé l'esprit et je ne me suis pas inquiété. C'est alors que j'ai éprouvé un mal de tête terrible, une douleur aiguë comme si une main s'était introduite sous mon cuir chevelu et m'avait pressé le cerveau. Terrassé, je me suis retourné afin de m'appuyer sur la bibliothèque et c'est là que j'ai identifié la présence à quelques pas de moi : une silhouette, haute, massive, drapée de noir des pieds à la tête –enfin, quand je dis "tête", j'entends la partie supérieure de ce corps masqué dont seule une grande bouche qui la traverse sur presque toute la largeur peut être répertoriée comme un signe caractéristique d'un visage commun. Pas d'œil, pas d'oreille, pas le moindre relief, pas la moindre expression faciale. Et cette bouche… Sombre, immense. Anormalement grande. Inhumaine. Je vous assure, inhumaine…