Extrait n° 1

 

Elle aurait pu également, frappée par la variété dans la végétation et le paysage, demander par quel miracle ces roseaux se développaient aussi souverainement entre la mer et les champs de maïs et apprendre, de la bouche passionnée du guide local, que l'endroit qui se nommait Kerloc'h avait pour particularité d'abriter une diversité biologique incroyable, des brochets aux hérons, du canard à la loutre.

         Mais elle n'en sut jamais rien. Et ce qui suivit l'en eût empêché, de toutes les façons.

         Elle perçut un bruit dans les fourrés, sur sa droite. Un bruit suffisamment éloquent pour qu'elle en déduisît que l'animal, de belle taille, qui rampait à hauteur de ses chevilles, la suivait. Sa raison, féroce, lui commandait de ne pas s'en préoccuper et de se concentrer sur la rigueur de son cheminement. L'ascension des plus hauts sommets des Andes à laquelle elle se destinait ne tolérerait pas, étant donné le niveau élevé de l'engagement sportif, la moindre inattention. Alors, serpent ou pas à proximité, elle ne devait pas s'en soucier.

         Pourtant, elle s'en soucia.

         Au moment où elle interrompit ses pas, le bruit cessa aussi. Elle s'approcha.

         - Tiens, qu'est-ce qui lui arrive ? s'étonna Gérard. T'as vu? Elle s'est arrêtée ! Plus de charbon, sans doute… Elle est en panne !  

         - On dirait qu'elle a vu quelque chose…

         - Ouais. Faut croire qu'elle est capable de s'intéresser à autre chose qu'à elle-même ! Je me demande ce que ça peut être…

         Françoise, penchée, les yeux braqués sur l'entrelacement de fougères qui lui faisait face et derrière lequel -elle en était sure- se tapissait le prédateur, n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il advint dans les secondes qui suivirent.

         Son œil détecta seulement une forme singulière qui se détachait des filicinées et qui, brusquement, se rua sur elle, l'attrapant par les chevilles, la traînant dans les herbes folles et l'attirant dans son antre, sans qu'elle pût faire quoi que ce fût pour se libérer de l'étreinte, sans qu'elle eût le temps de prononcer le moindre cri, sans qu'elle sentît les piquants des ajoncs déchirer ses mollets et ses bras exposés.