Extrait N° 2

 

 

Il profita d'un espace plus clairsemé pour se reposer dans un premier temps et pour étudier le meilleur parcours possible dans un second temps. Cerné par cet écrin vert belliqueux, il résista à l'impression d'étouffement qui s'ajoutait au mal que lui procuraient ses nombreuses blessures et reprit sa progression malaisée, nouant son attention aux mailles encore indistinctes du treillis galvanisé.

         Lorsqu'il atteignit le pied du grillage, les mains et le visage en sang, les bras lacérés, les jambes éraflées, l'aliénation qui l'avait poussé jusqu'alors toléra une relâche qu'il mit à profit pour réfléchir un instant. Un bref instant, mais qui lui permit de ne pas se jeter sauvagement sur la barrière dans le cas où celle-ci fût électrifiée. Après un examen minutieux, il en déduisit que le grillage, si haut et serré fût-il, ne risquait pas de le foudroyer. Pour s'en assurer, il lança sa pince coupante contre celui-ci. Elle retomba au sol sans le moindre grésillement allusif, sans la moindre étincelle.

         Satisfait, il la ramassa et entreprit le découpage minutieux d'un espace suffisant pour s'introduire dans l'enceinte. C'est alors qu'il mesura combien couper du fil de fer solide avec une vieille pince coupante et des doigts douloureux se révéla long et pénible, contrairement au dessein esquissé, né d'autant d'images faciles du cinéma d'action que d'idées reçues. Mais il y parvint quand même, animé par cette rage d'en découdre avec les assassins de son frère.

         Quelques pins, dans leur déhanchement suave, le contemplaient distraitement. D'autres arbres, plus proches du sol, s'inquiétaient et, dans leur agitation, glissaient quelques confidences écoeurées devant l'outrecuidance de cet homme qui se glissait à quatre pattes par l'ouverture pratiquée et qui, une fois à l'intérieur, se redressa si près d'eux qu'ils cessèrent tout murmure et tout mouvement.

         L'intrus fit glisser les bretelles de son sac à dos, empoigna ce dernier et y plongea la main pour en retirer le révolver. C'est alors qu'il perçut la présence, à cinq mètres sur sa droite. Quatre hommes et deux chiens. Deux rottweilers, à la tête massive, aux babines épaisses, aux oreilles tombantes, à la gueule ouverte. Deux rottweilers, au corps figé, aux muscles tendus, prêts à l'attaque.